Suite de notre aventure de l’été 2022 sur le John Muir Trail ! Après 10…
1.
3 semaines de trek sur le John Muir Trail : partie Nord
Le John Muir Trail et ses 340 km de randonnée dans la Sierra Nevada californienne : tel était notre défi de l’année 2022. Un sacré morceau que ce mythique trek au cœur d’une nature parfaitement préservée. Grands moments de joie et de sérénité, stress et galères… on en aura vu de toutes les couleurs pendant 19 jours de marche ! Difficile de résumer une telle aventure en quelques lignes, mais voilà qui devrait vous donner un aperçu de nos 10 premiers jours sur la moitié nord du splendide « JMT ».
Un début de parcours somptueux dans le Yosemite
J1 : John Muir Trail, c’est parti !
Récupération du permis à Yosemite Village
Lundi 1er août, ça sonne bien pour un début d’aventure, non ? Après de longs mois de préparation et bien des obstacles franchis pour en arriver là, on aurait presque l’impression d’avoir déjà fait le plus dur (et avec le recul, ce n’est pas complètement faux !).
Les horaires de bus nous ayant contraint à arriver au Yosemite à la nuit tombée la veille, c’est avec de grands yeux émerveillés par le paysage que nous allons chercher nos permis au Wilderness Office en ce matin du premier jour.
Et quelle joie de recevoir le précieux sésame ! Je m’étais tellement préparée à ce que quelque chose déraille que j’ai du mal à croire que l’on va enfin pouvoir se lancer sur le John Muir Trail. Finalement, direction Happy Isles pour démarrer le parcours sur son point de départ officiel.
Départ de Happy Isles
Forcément, la porte d’entrée principale dans le Yosemite attire beaucoup de monde. Mais rien d’insupportable, surtout une fois que l’on s’éloigne du sentier privilégié par les randonneurs à la journée. En plus, les conditions nous sourient : pas de fumée (le gigantesque incendie aux portes du parc est en passe d’être éteint) et pas de canicule. Aucune raison d’avoir peur du gros dénivelé du jour donc. Nous profitons à fond des paysages somptueux, même si le poids de nos sacs se fait vite sentir. Inutile de partir dans de grandes descriptions des célèbres falaises de granite du Yosemite : je laisse les photos parler pour moi !
Notre objectif aujourd’hui est de réaliser l’ascension du célèbre Half Dome (si vous aimez l’escalade, vous connaissez forcément) puis d’avancer encore un peu sur le parcours. Mais nous nous rendons vite compte que ce plan est ambitieux. Nous aurions le temps, mais sommes déjà bien fatigués en arrivant à la jonction des sentiers du JMT et de Half Dome. Et surtout, la météo est menaçante. Une ranger croisée à ce moment-là nous déconseille fortement l’ascension (« C’est dans ces conditions que les gens meurent », ça calme). Nous allons donc sagement planter notre tente un peu plus loin pour revenir le lendemain matin. Une petite journée (tout est relatif) pour commencer, ce n’est pas plus mal !
J2 : Half Dome et autres merveilles du Yosemite
Bien que l’orage n’ait finalement pas éclaté la veille, je suis heureuse d’avoir remis l’ascension du Half Dome à ce matin : me voilà d’attaque pour en profiter comme il se doit ! Nous nous levons tôt pour nous attaquer à la bête avant l’arrivée de la foule et laissons nos affaires sur notre spot de bivouac. Mais malgré notre soudaine légèreté, l’ascension se mérite. Le finish en particulier est très impressionnant : la pente est si raide que l’on doit s’aider de câbles fixes pour monter. Une fois là-haut (à 2 695 m d’altitude)… difficile de trouver les mots ! La vue à 360° sur toute la vallée du Yosemite est magique. Quoi qu’il arrive à présent, cela valait de toute façon le coup de venir.
Mais il faut bien redescendre un jour. Nous retrouvons nos sacs et observons avec stupeur une biche à côté de notre bivouac qui n’a aucunement l’air inquiète de notre présence. Quelle belle matinée ! Finalement, nous partons assez tard sur notre « vraie » deuxième étape, qui consiste à poursuivre notre ascension vers les hauteurs du Yosemite. Physiquement, on souffre un petit peu, d’autant qu’il fait bien plus chaud que la veille. En plus, le sentier traverse une ancienne forêt incendiée qui n’offre aucune ombre. Ceci dit, les pics acérés en arrière-plan font toujours leur effet. Nous arrivons très tard (20h) et très fatigués au campement à Cathedral Lake et ne profitons pas longtemps de la vue, mais je suis toujours aussi heureuse d’être là !
J3 : premier orage à Lyell Canyon
Une rare journée sans grosse montée ! Nous avons du retard à rattraper, mais a priori cela ne devrait pas être trop dur. Nous voilà donc sur notre première descente dans la forêt vers Tuolumne Meadows avant d’arriver sur Lyell Canyon : des gorges paisibles et verdoyantes qui nous offrent une pause déjeuner sympathique au bord de la rivière.
Oui mais voilà, l’orage gronde de l’autre côté des montagnes… Fatalement, il finit par arriver de notre côté, et nous découvrons consternés qu’ici il peut éclater dès 14h. Or pour arriver dans deux jours à Mammoth Lakes et récupérer notre colis de nourriture avant la fermeture de la poste pour le weekend, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre une après-midi de marche. Nous poursuivons donc notre route. Avant de nous rendre à l’évidence une demi-heure plus tard, alors que nous sommes complètement trempés et que la pluie devient intense : il est temps de faire une pause ! Nous plantons donc la toile extérieure de notre tente pour nous mettre à l’abri en attendant que ça passe…
Mais ça ne passe pas. Près de 4h plus tard et alors que je suis frigorifiée, la pluie s’atténue enfin. Nous décidons alors d’avancer jusqu’au bas de la montée vers le Donohue Pass afin de réduire la journée du lendemain. Il pleut toujours, mais nous avons la merveilleuse surprise de rencontrer une harde de cerfs sur le chemin, ce qui nous remonte bien le moral !
J4 : Donohue Pass et l’orage de l’année
Avant de sortir officiellement du Yosemite, il nous reste une belle montée vers le col Donohue (3 375 m). Le soleil a fait son retour, en revanche mon appareil photo n’a pas survécu à sa nuit dans l’humidité de mon sac. Résultat, le reste de mes photos devra être pris avec mon vieux smartphone. Quelle andouille !
Mais retour au trek : la montée est jolie et nous arrivons au col sans problème. À ça près que de gros nuages noirs s’accumulent de nouveau dans le ciel… De toute façon, pas d’issue de secours : nous entrons dans « Ansel Adams Wilderness » et découvrons ses paysages alpins ainsi que nos premières marmottes américaines.
Hell Storm
Puis ce qui devait arriver arriva : l’orage éclate vers 15h. Cette fois, nous nous mettons tout de suite à l’abri. Mais voilà, à côté l’orage de la veille n’était qu’un échauffement… Très vite, de l’eau s’infiltre par le sol de la tente (qui en a pourtant vu d’autres), et un coup d’œil dehors nous confirme la catastrophe : notre spot s’est transformé en pataugeoire !!! Nous voilà de retour dehors sous une pluie torrentielle (honnêtement, je n’avais jamais vu ça). Et ne parlons pas du tonnerre, tout proche, qui ajoute à notre angoisse.
Après de longs instants à hésiter sur la marche à suivre (le chemin s’est transformé en ruisseau et nous rechignons à poursuivre la montée alors que le tonnerre gronde), constater que même Gaëtan tremble de froid nous pousse à nous remettre en route. C’est à ce moment-là qu’arrive Lance, sud-coréen de 58 ans que nous avions déjà croisé le matin. Nous poursuivons la route avec lui, et son calme et sa bonne humeur nous font un bien fou (j’avoue que j’avais vraiment peur de l’hypothermie à ce moment-là).
Pendant encore plusieurs heures, nous marchons ensemble sous la pluie, trempés et frigorifiés. Autant vous dire que nous n’avons pas du tout profité des paysages (le Thousand Island Lake avait pourtant l’air splendide). Je n’ai d’ailleurs pas pris une photo de l’après-midi. Objectif survie e basta ! Si l’orage a fini par s’arrêter, il pleut toujours, et c’est dans un état misérable que nous finissons la journée près de Ruby Lake.
Ansel Adams et John Muir Wilderness, entre nature et civilisation
J5 : échappée vers Mammoth Lakes
Horreur : la pluie n’a pas cessé de la nuit. Nous ne nous attendions vraiment pas à ça en Californie au mois d’août… Les locaux nous ont d’ailleurs confirmé ensuite que c’était très inhabituel. Après avoir traîné sous la tente, nous nous résignons finalement à remettre nos affaires mouillées et à marcher encore et toujours sous la pluie.
Heureusement, l’objectif du jour est de rejoindre la station de ski de Mammoth Lakes afin de nous ravitailler en nourriture. La perspective d’une chambre d’hôtel nous aide à tenir ! Nous décidons de couper l’étape en visant Agnew Meadows plutôt que Reds Meadows (le bus vers la ville passe par les deux sites). Ce léger raccourci ne nous évite pas une bonne demi-journée de marche pluvieuse. Gaëtan ne se sent pas bien et je suis gelée. C’est donc avec un immense soulagement que nous finissons par trouver l’arrêt de bus en début d’après-midi. Et ce n’est qu’une fois dans la baignoire de la chambre d’hôtel que j’arrête enfin de trembler (meilleur bain de ma vie !!!).
Après l’enfer de ces trois derniers jours, Mammoth Lakes ressemble à un havre de paix. L’ambiance y est très sympa – il faut dire que nous sommes tombés le weekend du festival annuel de bières artisanales, pour le plus grand plaisir de Gaëtan. Le repas du soir au bar d’à côté est étonnamment bon. Demain est un autre jour !
J6 : retour sur le John Muir Trail par Devils Postpile
Après avoir refait le plein de nourriture (et de matos anti-pluie), c’est presque la boule au ventre que nous retournons sur le trek… Mais le soleil radieux et la promesse de trois jours secs nous aident à nous détendre. Après avoir passé Devils Postpile, la curiosité géologique du jour (un « orgue basaltique » classé monument national), d’ailleurs très fréquentée, nous dépassons Reds Meadows et entrons dans la forêt.
Ce n’est pas la plus belle partie du parcours et nos sacs sont de nouveau lourds, mais désormais le soleil suffit à notre bonheur ! Le stress repointe le bout de son nez en fin de journée lorsque nous assistons à un ballet de canadairs qui ont l’air de lâcher de l’eau très près (nous apprendrons plus tard qu’il y a effectivement eu un départ de feu à côté à ce moment-là). Mais plus de peur que de mal, et nous profitons d’un bivouac sans incident.
J7 : lacs et forêts du far west
Pas un nuage à l’horizon ce matin, hourra ! Nous voilà d’attaque pour le gros dénivelé positif de la journée, qui démarre sous les pins. Le décor se fait plus aride ; un je-ne-sais-quoi donne aux montagnes un côté de plus en plus far west.
Le joli Purple Lake est l’endroit rêvé pour notre pause déjeuner, mais il est pourtant détrôné un peu plus tard par l’un des plus beaux lacs du John Muir Trail : Virginia Lake. Une pure merveille ! Il n’est pourtant pas l’heure de bivouaquer, nous nous lançons donc dans une belle descente au cœur des reliefs rougeoyants. Et parce qu’après tout, c’est les vacances, nous nous accordons un arrêt en milieu d’après-midi histoire de recharger les batteries.
J8 : objectif Vermilion Valley Ranch
La fatigue se fait sentir en début de journée. Il faut pourtant bien grimper vers Silver Pass (3 278m), ce qui n’est pas une mince affaire. Mais impossible de nous lasser de l’environnement, d’autant que l’étape nous offre de belles perspectives dégagées sur la chaîne de montagnes
Une fois le col passé, c’est une longue descente qui s’amorce vers la dernière dose de civilisation de notre parcours : le ranch de Vermilion Valley (VVR pour les intimes). C’est là-bas que nous bivouaquerons ce soir, et c’est également notre dernier point de ravitaillement du parcours : ensuite, ce sont 11 jours d’autonomie totale qui nous attendent.
Pour atteindre cette terre promise, nous nous rendons sur les berges d’un grand lac artificiel. Nous y attendons le « ferry » (une petite barque en réalité) pendant près de deux heures en compagnie d’un couple de Polonais, Marcin et Joanna. C’est avec eux que nous passons la soirée en retrouvant les plaisirs d’un plat cuisiné, d’une bouteille de vin et d’une bonne compagnie. Cerises sur le gâteau : une douche et une lessive !
J9 : retour à la vie sauvage
On rentre dans le dur aujourd’hui. Nos sacs sont plus lourds que jamais et nous attaquons la partie la plus sportive et haute en altitude du John Muir Trail.
Pour commencer, nous remontons le Bear Ridge Trail afin de retrouver le parcours officiel après notre escale bienheureuse à VVR. Les séquoias se font plus présents tandis que nous subissons le poids de nos sacs. Après une brève redescente, il nous faut reprendre de la hauteur et avancer au maximum vers le Selden Pass (que nous n’atteindrons pas aujourd’hui).
Physiquement, c’est la galère et pour tout avouer, je ne suis pas au max mentalement non plus : j’angoisse désormais dès que je vois un nuage un peu sombre, ce qui ne s’arrange pas avec les averses intermittentes rencontrées depuis la veille. Mais bon an mal an, nous arrivons (tard) au splendide Marie Lake, où nous admirons un magnifique ciel coloré.
J10 : Selden Pass et un nouveau parc national
Nos efforts de la veille payent, puisqu’il ne nous reste plus beaucoup de dénivelé positif pour franchir l’obstacle du jour, le Selden Pass (3 322 m). Le début de journée se déroule à merveille. Temps radieux, décors charmants, descente douce… que demander de plus ?
Seulement voilà, si les descentes me plaisent, la cheville de Gaëtan ne les accueille pas aussi bien. Alors quand celle du jour s’accentue et augmente en technicité, il n’en mène pas large. En plus, erreur idiote, nous avons sous-estimé la sécheresse du coin et nous nous retrouvons à court d’eau pour la fin de la descente – en milieu de journée, par une journée très chaude…
Autant vous dire que la vue de la rivière qui marque la frontière avec King’s Canyon National Park est salvatrice ! On y fait une pause déjeuner tardive mais régénératrice à l’ombre d’un gros séquoia. Et puis, petite satisfaction : nous avons officiellement parcouru la moitié du John Muir Trail.
L’entrée dans King’s Canyon en ce début d’après-midi est saisissante : cette rivière qui descend entre des falaises couleur ocre, c’est juste splendide. Nos nerfs ont été mis à rude épreuve, mais la deuxième moitié du John Muir Trail s’annonce spectaculaire !
Cet article comporte 0 commentaires