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139 km, 7634m D+, 9 jours de traversée

A gauche, à droite, le vide. Devant, le chemin de crête ne se révèle que sur quelques mètres – la suite reste dans la brume. J’ai l’impression de marcher sur un fil, dans un univers parallèle. Tout est flou autour de nous, et nous devons nous cramponner aux rocs de la crête car un vent puissant est de la partie. La fatigue, le froid, l’humidité sont relégués au second plan, et l’esprit s’aiguise pour nous permettre de ne pas faire de faux pas. Cette sensation de pleine conscience, d’ancrage total dans l’instant présent est assez formidable – c’est ce qui fera de ce moment un très bon souvenir.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin : une fois retournés en terrain plus sûr, la tension se relâche, et les nerfs avec. Alors que la pluie s’intensifie, Gaëtan manifeste sa rage dans un langage fleuri. De mon côté, je broie du noir en silence – jusqu’à ce qu’une heure plus tard, trempée jusqu’à l’os, je m’effondre. Le temps ne nous permet pourtant pas de prendre notre pause déjeuner, et nous remettons celle-ci à plus tard. Mais pourquoi ne sommes-nous pas partis en Grèce ?!

Août 2018, 3ème jour de traversée des îles Lofoten

Trek aux îles Lofoten
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La traversée des îles Lofoten en trek : choix de l’itinéraire

La question se pose effectivement : pourquoi un trek aux îles Lofoten ? Cet archipel norvégien se situe au nord du cercle polaire. Nous ne nous attendions donc pas à un climat tropical. Pour autant, après notre trek au Kirghizstan l’année précédente qui nous avait enchanté, nous souhaitions réitérer l’expérience en augmentant la durée de l’itinéraire. Attirés par les paysages nordiques et des températures relativement douces compte tenu de la latitude, nous nous sommes donc lancés dans la traversée des îles Lofoten en trek.

Nous avions choisi un parcours nord-sud de 9 jours en quasi-autonomie. Nous avons suivi les 9 dernières étapes des 11 du parcours imaginé par Rando-Lofoten. Pour la nuit, nous avons choisi l’option 100% bivouac. Enfin, nous n’avons prévu qu’un ou deux ravitaillements en ville.

Vous trouverez de nombreuses informations pratiques sur leur site ainsi que dans notre article dédié à la préparation d’un trek aux Lofoten, mais place d’abord à nos impressions !

îles Lofoten trek

Randonner aux Lofoten : des paysages Instagram à l’expérience terrain

La traversée d’un lieu mythique de la randonnée

Les îles Lofoten sont un lieu emblématique des sports outdoor. Hiver comme été, elles attirent sportifs et amoureux de la nature : ski, randonnée, pêche, kayak, observation d’aurores boréales ou d’animaux marins font leur renommée. Le mot “féérique” revient souvent dans les récits, et les images de fjords sous un ciel bleu éclatant emplissent les pages web et les vidéos Youtube.

Peut-être avons-nous été particulièrement malchanceux (ou tout simplement très naïfs en partant fin août) ? En tout cas, la vision enchantée que nous avions des îles Lofoten fut bien mise à mal par les conditions que nous avons rencontrées lors de ce trek. Les paysages sont effectivement magnifiques. Mais ils ne paraissent plus si féériques lorsque vous passez vos journées la capuche à la tête et les chaussettes trempées ! Quoi qu’il en soit, l’aspect des lieux reste impressionnant. Les fjords, l’aspect sauvage de ces îles tout en dénivelé… Tout y est !

Fjords - Trek aux îles Lofoten
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Les îles Lofoten dans tous leurs états

Pour être tout à fait honnête, nous avons bien vu les îles sous un grand ciel bleu. Notre premier jour de traversée nous a permis de profiter pleinement de l’île d’Austvågøya et des contrastes époustouflants des couleurs de l’archipel ensoleillé : les bleus intenses du ciel, des lacs et de la mer parsemés du gris de la roche et d’une verdure resplendissante. En revanche, le reste de notre traversée s’est déroulé sous la pluie et le vent. Nous accueillions la moindre accalmie avec gratitude (toutes nos photos viennent d’ailleurs de ces instants de répit). Malédiction des dieux nordiques, simple poisse ou temps normal pour une fin août ? Toujours est-il qu’à chaque fois que nous nous posions pour casser la croûte et profiter d’un petit rayon de soleil, la pluie reprenait aussitôt.

Qu’elles paraissent accueillantes alors, les habitations aperçues sur le chemin ! Leurs intérieurs sont dignes d’un catalogue de déco scandinave et l’on s’y arrêterait bien pour se blottir sous un plaid. Les villes de Svolvaer et Leknes n’ont pas grand intérêt (outre celui, non négligeable, de pouvoir prendre un chocolat chaud au sec). En revanche, le charme des maisons colorées de l’ancien petit village de pêcheurs de Nusfjord opère malgré son côté touristique !

Nusfjord - Trek aux îles Lofoten
Nusfjord - Trek aux îles Lofoten
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La traversée des îles Lofoten : un trek exigeant

Des chemins gorgés d’eau

Ce trek aux îles Lofoten nous a beaucoup fait gagner en expérience. Nous sommes aujourd’hui beaucoup moins naïfs en abordant un itinéraire de randonnée. Car si les dimensions du parcours représentent en elles-mêmes un certain défi physique, le plus dur réside bien (on l’aura compris) dans les conditions de la traversée. Le principal défi est donc mental. Ce n’était pourtant pas notre premier trek sous la pluie (merci au massif de la Chartreuse pour la préparation). Et la pluie ne fait pas de jaloux : les chemins sont aussi trempés que nous, ce qui ralentit énormément notre progression.

Une orientation difficile

Et ça, c’est quand il y a des chemins. Le tracé s’en éloigne parfois pendant des étapes entières. Vous évoluez alors au milieu de nulle part, en suivant la trace GPS téléchargée au préalable. L’avantage, c’est que vous vous retrouvez seuls dans des endroits totalement sauvages… sensation d’aventure garantie ! Les inconvénients sont multiples : vous perdez du temps à vous orienter, et vous ne pouvez tout simplement pas marcher aussi vite sur un terrain accidenté. La route peut même devenir carrément périlleuse. 

Des terrains parfois techniques

Cascade sur le trek aux îles Lofoten

Une petite partie de notre 4ème étape consistait à contourner une cascade, avec un chouïa d’escalade pour arriver en haut, et du quasi-canyoning pour redescendre le long de rochers traversés de filets d’eau. Des marcheurs qui nous précédaient ont d’ailleurs préféré faire demi-tour.

Quant à nous, après 7 jours à lutter contre les éléments, nous avons finalement décidé d’abandonner notre itinéraire initial pour les deux derniers jours, pour nous contenter de marches de quelques heures sur l’île méridionale de Moskenesøya. Une belle leçon d’humilité ! Nous profiterons donc du bus qui traverse toutes les îles pour nous réchauffer dans les cafés des villes de Reine et de Å (prononcer « ô ») après de courtes randonnées sur des chemins encore et toujours boueux.

Météo - Trek aux îles Lofoten
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Traverser un archipel en trek ?

Il n’y aurait pas comme un petit problème ? Et non, nous ne nous sommes pas mis à la nage. Se laver dans les lacs et rivières gelés était déjà un beau défi (pas relevé tous les jours, il faut bien l’avouer) ! En fait, le tracé suivi n’est pas “historique”. Il a été inventé de toute pièce relativement récemment pour permettre une traversée à pied. Il regroupe donc des chemins de randonnée existants, des tracés virtuels en pleine cambrousse, mais aussi des passages sur route goudronnée, et même un petit trajet en bus pour pouvoir traverser les ponts.

Ce côté “superficiel” était un peu décevant, et ce d’autant plus au moment des bivouacs. Certaines étapes se terminent en effet en bordure de route, où les spots pour passer la nuit ne sont pas particulièrement sympas. Mieux vaut donc vous arrêter avant, sur la première étape notamment. Impossible pourtant de nous faire plaisir en passant une nuit en dur : le prix d’une nuit en dortoir nous en a dissuadé.

Nous comprenons en fait pourquoi beaucoup de touristes traversent les îles Lofoten en camping-car. La route est bien entretenue et indiquée, plusieurs campings peuvent les accueillir. Les possibilités de randonnée à la journée sont d’ailleurs nombreuses. Certaines des plus belles portions du trek sont accessibles facilement par la route.

Bivouac sur la traversée en trek des îles Lofoten

Bivouac : niveau supérieur atteint

Quelques conseils pour votre bivouac aux îles Lofoten

Alors que nous passions nos journées dans le froid et l’humidité, avoir passé des nuits confortables nous aura probablement évité un craquage complet. Savoir qu’une fois arrivés, on pourra enfiler des vêtements secs et se glisser dans un sac de couchage performant, ça change tout ! Nous vous recommandons donc chaudement (haha) d’investir dans du bon matériel de bivouac. J’insiste, mais je ne sais pas ce que je serais devenu sans mon duvet !

Nous avons également pris quelques bonnes habitudes pour pouvoir rester au sec :

  • Garder une “tenue de bivouac” (dont chaussettes et sous-vêtements) et son sac de couchage toujours à part dans un sac étanche.Trek aux îles Lofoten
  • Mettre un “tapis” étanche sous la tente pour renforcer son étanchéité et garder les affaires sous l’abside relativement sèches (le tapis étant quand même humide tous les matins).
  • Monter la partie extérieure de notre tente (toile principale) en premier le soir, et enlever la chambre (toile intérieure) en premier le matin, pour être sûrs que la chambre ne prenne pas l’eau (bien sûr, il faut que le modèle de tente le permette).

Si vous avez des astuces pour permettre aux vêtements de sécher en environnement humide, nous sommes preneurs !

Des nuits agitées

Toutes ces précautions ne nous auront pas épargné quelques moments épiques, comme cette nuit où nous campions dans une prairie sous un vent très fort, et où nous fûmes réveillés en sursaut par une bourrasque plus puissante que les autres qui venait de détacher une sardine…. notre tente était pourtant bien tirée et montée dans le sens du vent ! Petit instant de panique alors qu’une partie de la toile nous tombe dessus. Pourvu que le vent ne la déchire pas !!! Gaëtan réussit à la raccrocher, mais nous n’arriverons pas à retrouver le sommeil.

Nous sommes sortis au petit matin, sous un vent toujours aussi intense, pour un démontage de tente rapide et méthodique. Ce qui ne nous empêchera pas de perdre momentanément une sardine. Quelques instants à patauger autour du campement suffiront pour la retrouver. Le genre de nuit après laquelle on est content de reprendre la route ! C’est d’ailleurs ce matin-là que nous avons décidé de ne pas poursuivre l’itinéraire prévu. Les conditions étaient vraiment mauvaises pour aborder une nouvelle étape au chemin apparemment assez technique.

Les refuges sur la traversée des îles Lofoten

À noter que l’une des étapes au moins (la 2ème pour nous), permet de passer la nuit dans un refuge. Cherchez une petite cabane au bord du lac Store Krenggarsvåtnet, à partager avec tous ceux qui s’arrêtent. Personnellement, c’est là-bas que j’ai passé la plus mauvaise nuit de l’itinéraire. En même temps, à 8 dans quelques mètres carré… Pour autant, qu’est-ce qu’il est agréable de pouvoir se réchauffer autour d’un poêle !

Renseignez-vous, il est tout à fait possible que des refuges soient disponibles sur d’autres étapes. Vous ne ferez cependant pas l’économie d’un bivouac sur les étapes les moins courues ! 

Moutons aux îles Lofoten

TREK AUX ÎLES LOFOTEN : BILAN

Une véritable expérience de trek en zone polaire

Finalement, ce voyage nous aura plongé dans le vrai monde du trek. Au-delà d’une grande randonnée dans de beaux paysages, nous aurons profondément ressenti ce que représente vivre en pleine nature, avec pour seules ressources celles que l’on peut porter sur son dos. Avancer en acceptant l’environnement tel qu’il est, en recherchant l’harmonie plutôt qu’en jouissant simplement d’une nature favorable.

Depuis, nous sommes plus confiants dans nos capacités de trekkeurs. Mais aussi mieux conscients de l’aspect déterminant du terrain et de la météo sur la difficulté d’un parcours, ainsi que des progrès qu’il nous reste à réaliser pour de prochaines expéditions en conditions difficiles. Sans parler du matériel nécessaire (spoiler : les chaussures basses, même étanches, sont à proscrire sans hésitation) ! Il nous reste encore du chemin à parcourir avant de pouvoir nous lancer dans de grandes expéditions polaires !

 

 

En bref

A faire pour :

  • Découvrir en profondeur un archipel mythique pour les amoureux de grande nature
  • Le challenge physique et technique pour les amateurs de randonnée
  • L’équilibre entre le relatif isolement et la sensation de sécurité

Freins potentiels :

  • Le vent, les chemins gorgés d’eau… j’ai parlé de la pluie ?
  • Le tracé : sentier inexistant sur certaines portions (nécessite la maîtrise du GPS), empruntant parfois la route, et des terrains souvent techniques
  • Pas idéal si vous recherchez un aspect culturel dans vos voyages. Tout le monde parle anglais, les îles sont très touristiques, et les randonneurs sont souvent français !

Cet article comporte 12 commentaires

  1. Merci pour cet article, honnête quitte à faire un peu peur. Trop tard j’ai réservé mes billets hier! 😀 J’espère qu’en juillet le temps sera un peu plus agréable…

    1. Merci Sarah pour ton commentaire ! Désolée pour la frayeur, mais oui fin août c’est déjà un peu tard dans la saison, il y a moyen que tu t’en sortes mieux 😉 (fais gaffe aux moustiques en revanche, il paraît qu’il y en a en début d’été). Je te souhaite un super trek !

  2. Super récit, tres interresant! Une petite question, je pars egalement en autonomie bientôt aux iles lofoten et je voulais savoir comment avait vous gerer l’eau? avez vous bu l’eau des rivieres/lacs? ou aviez vous transporter suffisamment pour votre expedition?

    1. Bonjour Thommy ! Merci pour ton message 🙂
      Tu ne croiseras pas de villes pendant plusieurs étapes d’affilée, impossible de stocker suffisamment d’eau pour autant de temps. Nous avons filtré l’eau des rivières, qui ne manquent pas sur le trajet (si possible privilégie les cours d’eau aux lacs, tu prends moins de risque avec de l’eau vive qu’avec une eau « stagnante »).
      Profite bien de ton trek !

  3. Bonjour,
    Votre article est super, merci de nous faire partager votre expérience !
    Avec mon compagnon nous partons début août, et j’aurais aimé savoir comment vous êtes vous rendu au départ de votre treck ? Je trouve aucune information sur les trajets en bus.
    Merci bcp pour votre réponse,
    Susy

    1. Bonjour Susy et merci pour ce message !
      Pour rejoindre les Lofoten il y a un ferry qui part de Böde (pas besoin de réserver en avance a priori). Mais si vous parlez de comment rejoindre le départ de l’étape n°1 en partant du nord, je ne peux pas trop aider : par praticité nous avions choisi de ne pas faire les 2 premières étapes pour pouvoir justement démarrer directement à l’arrivée du ferry (nous avons donc commencé par l’étape n°3 en commençant au nord). Nous avions l’impressions qu’il valait mieux compter sur le stop pour rejoindre le départ officiel, ce qui ne nous disait rien.
      Bon voyage à vous 🙂

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